Les auteurs et leurs personnages

Le second thème pour ce nouveau questionnaire est le rapport entre l’auteur et ses personnages. Vous avez été 37 personnes à répondre à ce questionnaire, merci infiniment ! Nous savons, par le biais de divers témoignages, que les auteurs entretiennent une relation particulière avec leurs personnages, les ayant créé, leur ayant donné la vie au travers de mots. Cet article va donc reprendre leurs réponses afin de comprendre cette relation, de savoir comment elle est décrite et entretenue !

 

Une relation proche avec ses personnages

La première question, la plus basique : “Entretenez-vous une relation proche avec vos personnages ?” Et c’est un “oui” à 94.6 % ! Parmi ces personnes, 31 ont affirmées que cette relation proche les aidait dans l’écriture de leurs personnages. En effet, entretenir une relation proche avec ses personnages permet de les connaître plus en profondeur afin de parfaire leurs descriptions et leur caractère.

 

Décrire la relation

La question suivante concernait la façon dont les auteurs considéraient leurs personnages. Ici, les réponses étaient serrées : famille, amis et enfants sont les trois réponses qui sont le plus revenues, suivies par “une part de moi”. Pour certains, “c’est difficile à expliquer. Ils ne sont pas moi mais un peu, comme des émanations, mais pas non plus des enfants. Au contraire de certaines personnes je n’ai pas de mal à les tuer, mais je les aime tous… un peu comme si j’étais une déesse et que j’avais créé la vie. Ce n’est pas tout à fait ça (c’est un peu pompeux de dire ça) mais c’est l’idée.” En général, les personnages sont des êtres que l’on peut voir comme des proches que nous aimons et protégeons.

Décrire sa relation avec ses personnages peut-être difficile, mais peut également être bénéfique afin de savoir ce qu’il se passe entre l’auteur et sa création. Même si certains peuvent la définir comme fusionnelle, voire intime, ces mots sont faibles et la relation reste complexe à décrire. L’un des auteurs la voit comme  “un reflet de moi-même. De fait, je ne sais pas si je peux parler de relation, plutôt de fusion. Je suis eux, ils sont moi, parfois le temps d’un moment, de l’écriture, parfois tout le temps. Ils me ressemblent parce qu’ils puissent dans mon expérience, dans ma sensibilité.” D’autres les perçoivent “comme des enfants desquels [on doit s’]’occuper et qui ne font pas toujours (jamais) ce [qu’on] leur dit.” Il y a un vrai sentiment d’attachement qui existe ainsi qu’une certaine “complicité du fait que, souvent, [on] transpose une partie de [ses] pensées sur eux.” Un des participants a écrit : “Personne ne les connaît aussi bien que moi” et c’est totalement vrai, mais parfois, cela ne se fait pas en un claquement de doigt : “Je les considère comme des connaissances, au départ. Des personnes que je dois apprendre – et que j’apprends – à connaître petit à petit. [C’est] comme on le ferait dans le monde réel avec les gens qu’il nous arrive de côtoyer.” Cette relation, plus ou moins forte selon le personnage et la personne, est “spéciale : on se dispute, on délire, on chahute… C’est assez indescriptible.”

“Évidente et naturelle comme un lien réel”, “un ami qui comprend [nos] intentions et évolue en conséquence”, quelle qu’elle soit, cette relation est riche et intéressante à appréhender pour l’auteur et son histoire. Elle peut également apporter énormément de recul : par exemple, avec “les personnages qui ne partagent pas [nos] valeurs : c’est un exercice intéressant [de] comprendre – ou du moins, tenter de comprendre – une manière de penser qui peut nous être étrangère.” Cela peut permettre de “beaucoup nuancer [notre] point de vue sur différents sujets.” Et bien sûr, comme toute relation, elle peut évoluer : “plus le temps passe plus cette relation change, cela fait 3 ans que j’ai construit ma personnage et elle a beaucoup évoluée comme moi.” Finalement, l’auteur grandit avec son personnage.

 

Rencontrer ses personnages

Et suite à ces descriptions, j’ai demandé aux auteurs s’ils voulaient rencontrer leurs personnages : 82,9% ont voté “oui” ! Les raisons sont ici très diverses et variées (voire assez drôles pour certaines !) Celle qui est revenue plusieurs fois est le fait de mieux se connaître, en tant qu’auteur, de se comprendre car “ils sont une partie de [nous], une représentation de ce que [nous sommes] ou de ce que [nous voudrions] être. Ils sont un peu comme un fantasme.” Quelques uns aimeraient juste “passer du temps avec eux” ou discuter car “ce sont des personnes intéressantes” voire “fantastiques” et qu’[ils] ont beaucoup de choses à [nous] apprendre.” Ils voudraient voir “comment ils se comportent au delà de [notre] volonté d’auteur”, “ce qu’ils pourraient devenir par eux-même, comment ils [nous] verraient.” Si les personnages pouvaient nous rencontrer, “cela serait intéressant s’ils avaient des questions à [nous] poser sur, par exemple, comment [nous] les [avons] créé et pourquoi”.

L’auteur est un être humain terrible doté de culpabilité. Quelques auteurs voudraient les rencontrer pour “les consoler”, mais aussi “pour en coller une à certains”, “leur faire des câlins et [s]’excuser de tout ce qu’[ils] leur [font] subir”. Et puis, bien sûr, “parce qu’à force de passer du temps avec eux, on a envie de les rencontrer”, de “pouvoir partager de vrais souvenirs avec eux” et peut-être, ainsi, “ils deviendraient [nos] meilleurs amis !”

Néanmoins, pas sûr que la rencontre avec le grand méchant de l’histoire soit aussi positive !

 

Les personnages ne sont pas réels

Nous nous sommes, jusqu’ici, attardés sur les auteurs qui entretiennent une relation particulière avec leurs personnages. Mais qu’en est-il des autres ? Bien peu nombreux dans ce questionnaire (4 réponses seulement), ils expliquent néanmoins leur recul par rapport à leur création.

“Une certaine distance” de la part de l’auteur demande moins d’affection envers eux. Elle peut donc être due au fait que l’auteur “ne les aime pas”, “que leur rôle [est] minime dans l’histoire” et donc, qu’ils ne sont “pas beaucoup développés”. Un auteur est assez catégorique sur la raison qui le pousse à ne pas être proche de ses personnages : “Ils sont en papier, n’existent pas, doivent mourir, ne remplacent pas les vrais gens”. Une vision bien plus terre à terre que celles que nous avons pu voir auparavant autour d’auteurs qui chérissent leurs personnages. Mais les auteurs sont sadiques et parfois, ils créent des personnages “pour les buter” ou pour les “faire souffrir”. Rien que ça !

Une question très pertinente a été posée dans les commentaires de ce questionnaire : “Faut-il être attaché [aux personnages] pour établir une relation avec eux ?” Le débat est ouvert ! D’après les réponses précédentes, y être attaché est un plus chez certains auteurs, mais cela n’empêche pas une quelconque relation (même négative) de s’installer entre l’auteur et son personnage.

 

Construire la relation au quotidien

Généralement, cette relation entre l’auteur et son personnage s’instaure au fur et à mesure, sans chemin prédéfini, comme une relation que l’on créerait avec une personne réelle. Pour certains, il y a “une grande sensibilité à l’idée d’écrire sur eux, d’écrire leur histoire qui devient aussi la [sienne]” car “avant d’être des personnages, ils vivent dans [nos] tête[s], ont du vécu. Ils murissent, prennent leur décision eux-mêmes. Un peu comme des enfants que l’on voit évoluer.” Dans tous les cas, ce qui ressort, c’est cette relation intime qui se crée. Nous pouvons avoir “du mal à séparer un personnage d’une personne réelle car le but n’est-il pas après tout de construire des personnages aussi authentiques que possible ? Avec leurs failles et leurs victoires et tout ce qui compose un être humain ? Et comme on n’a jamais la même relation avec deux êtres humains, chaque relation avec chaque personnage est unique en soi.”

Finalement, réel et fictif peuvent finir par être très proches comme le souligne cet auteur qui explique qu’”une bonne partie de [ses] personnages sont inspirés de personnes réelles” quand d’autres sont “plus des fantasmes d’amis parfaits”. Pour un autre, “quand on écrit, les personnages sont avec nous à peu près 24h/24, ce qui explique qu’on se sente si proche d’eux. Quand on finit l’écriture d’un roman on les sent s’éloigner de nous, un peu comme dans la vraie vie quand on perd le contact avec d’anciens amis proche.” Ces personnages ont donc une place extrêmement importante dans le quotidien de l’auteur. Un participant raconte : “ils me poursuivent jusque dans mon quotidien. Il n’est pas rare que je me retrouve dans telle ou telle situation à penser : tiens, un tel aurait dit ça, aurait réagit comme ça.”

 

Le personnage échappe à l’auteur

Un témoignage qui est revenu très souvent également, c’est le fait que le personnage fait souvent ce que bon lui semble. “Si au départ, [nous] leur [donnons] vie, [nous décidons] de qui ils sont, de ce qu’ils feront, ils s’imposent finalement à [nous] et prennent leurs propres décisions, n’en font qu’à leur tête.” Parfois, ils peuvent nous surprendre, “faire des choses inattendues” et finalement, même si nous sommes créateurs, “ils vivent un peu leur propre vie. Parfois ils ne font pas ce que [nous nous attendions] qu’ils fassent.” Il se peut aussi que nous ne savons pas quoi écrire et dans ce cas, nous pouvons les laisser “en “liberté” et ça donne des trucs supers. C’est un équilibre permanent.” Une phrase que j’ai beaucoup aimé dans le témoignage d’un participant, c’est : “un auteur, bien que passionné d’une activité solitaire (l’écriture), n’est jamais seul, grâce ou à cause de ses personnages.” Et, finalement, c’est bien vrai, car, comme on le disait plus haut, ils hantent notre quotidien et bien qu’ils en sont inspirés, ils nous inspirent également.

Une relation avec son personnage est donc similaire à celle avec un vrai être humain pour beaucoup d’auteurs. Pour d’autres, ce sont des boucs émissaires qui peuvent les libérer et leur faire passer un sale quart d’heure pour se défouler. Quelles que soit cette relation, elle reste très importante dans la construction du personnage, mais aussi, dans la construction de l’auteur.

Remerciements

Merci à Marie Tinet, Maderose, Layssira, Coeur de Renard, Ploum, Theo Deenik, Hoshiro-Ryuko, Ringo, Nana, Ashley Plateada, Raj, Gregorio Cept, Alison F. Haring, Melgane, Catya Lacat et à tous les autres auteurs anonymes qui ont pris le temps de répondre !

Pour aller plus loin

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